Voici le « Rutschhàfe » qui donne les meilleures potées

de Rutschhàfe © Photo Marie-Claire Burger

Marie-Claire Burger, une nutritionniste passionnée de patrimoine et de généalogie, contribue à divers expositions de la Maison du Kochersberg à Truchtersheim.

Lorsque je la rencontre, j’ai toujours plaisir à l’écouter parler en alsacien, tel qu’il est parlé dans le Kochersberg.

Lors d’une émission que je présentais sur France Bleu Elsass, elle utilisa très naturellement le mot Rutschhafe, un ustensile qu’elle semblait utiliser fréquemment.

Le verbe rutsche signifie glisser et Hàfe désigne une marmite.

Le mot Rutschhàfe désigne une terrine ronde en terre cuite pour cuire des potées que l’on glisse au four et dans laquelle on laisse tranquillement mijoter son contenu.

Sitôt rentrée, je reçus de Marie-Claire une photo de son Rutschhàfe dans lequel elle aime mitonner ses plats.

Certaines d’entre vous m’ont questionnée quant aux recettes que l’on pouvait cuisiner dans cet ustensile.

Comme Maman ne se servait pas de Rutschhàfe, j’ai préféré poser la question à Marie-Claire Burger qui est familière de ce mode de cuisson.

Voici les jolies explications qu’elle a apportées :

Le Rutschhàfe, comme son nom l’indique est un récipient en terre cuite de Soufflenheim muni d’un couvercle bien ajusté qui est utilisé sur une cuisinière en bois pour réaliser une cuisson à petit feu en laissant « mijoter » sans rajouter de liquide ou en tous cas très peu.

Le mien, celui sur la photo, fait 18 cm de diamètre à la base et 15 cm à l’ouverture. La forme est « en crinoline ». Il fait 12 cm de haut et permet de cuisiner pour 6 à 8 personnes. On ne peut pas le poser directement sur le feu du gaz mais c’est le cas de toutes les poteries de Soufflenheim. On peut le poser directement sur une cuisinière à l’ancienne chauffée au bois ou sur une plaque électrique en évitant de mettre l’intensité maximum.

Il faut verser les liquides chauds dans une poterie de Soufflenheim déjà chauffée pour arroser, par exemple, une viande sinon elle risque de se fendre à cause du choc thermique.Quand le feu est intense on le met sur le coin arrière de la cuisinière, quand il faiblit on le tire (« rutsche » en alsacien) vers le centre et ainsi de suite.

C’est une cuisson à l’étouffée, douce et patiente comme la pratiquait la cuisinière jadis qui passait sa matinée en cuisine pour préparer le repas. Elle s’activait autour de la cuisinière en écoutant chanter le feu. Cette musique la guidait pour positionner son pot.

C’est à rapprocher de la cuisson basse température, très à la mode de nos jours. Les aliments, légumes, viande ou potées fondaient, caramélisaient légèrement. Ce n’est pas l’idéal pour les vitamines vous dira la nutritionniste que je suis mais c’est si goûteux avec cet arôme spécifique laissé par la terre cuite à vos haricots, courgettes, navets ou filet mignon de porc.

En écoutant Marie-Claire, j’ai pensé à l’écrivain-poète Joseph Delteil et à son livre La cuisine paléolithique (Editions Arléa) dans lequel il évoque, entre autres, son attachement à la cuisson dans de la poterie. Il écrit ceci :

Les matières nobles sont la terre et le cuivre. Fi de l’aluminium et autres ferblanteries ! Et pas d’émail, ça plombe. La meilleure poterie de cuisine est la poterie à gros grain, quasi poreuse , voyez le tesson qu’on ramasse dans les gisements préhistoriques. Incidemment et par pur plaisir, notons que c’est du mot « vase de grès », en patois provençal « grasal », que vient le Saint-Graal.

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