Ce livre fut récompensé par le Grand Prix de l’Académie nationale de cuisine, en décembre 2011, dans la catégorie « Cuisine innovante »
Lorsque l’idée de ce livre fut approuvée, le chef Hubert Maetz et moi-même avons vécu une année de frénésie, d’émulation sans pareil, à arpenter prairies, clairières et sous-bois pour photographier les plantes sous tous les angles, à divers stades, à les cueillir, les trier, les mettre sous vide, les congeler, et surtout à les cuisiner fraîches pour mettre au point ces recettes.
Hubert, sans se départir de sa force tranquille, fut pris d’un tourbillon inventif vertigineux que je chatouillais en fidèle aiguillon. Ses recettes sont autant d’harmonieuses associations avec les produits de notre région. Elles témoignent aussi de sa grande ouverture d’esprit pour associer à nos saveurs de terroirs les produits d’ailleurs et aboutir à ces recettes sans frontières et multiculturelles.
Ce livre réalisé avec exaltation, condense le meilleur de notre passion pour la nature et les saveurs. Il vous permet de réaliser des recettes exquises, simples ou plus complexes, recettes de fêtes ou de tous les jours, soupes, salades, purées, viandes, poissons, desserts et tisanes.
L’idée de ce livre sur les plantes sauvages, « une bible », nous écrivent les lecteurs) foisonnant de saveurs et de nature, s’est inscrite en nous comme une évidence. Nous avons tous deux grandi dans la ruralité. Pour Hubert, ce fut dans un environnement de prairies et de vignes à Rosheim, pour moi dans les prés et la forêt des contreforts des Vosges contre laquelle Haegen, mon village, est blotti.
A bien réfléchir, ce sont nos mamans qui nous ont transmis ce lien fort avec la nature. Hubert voyait la sienne honorer la mâche sauvage et le poireau des vignes. Maman m’a appris que la chélidoine guérit les verrues, que le bouillon blanc soulage les bronchites, que les pousses de sapins donne des sirops contre la toux, que les fleurs de primevères valent toutes les confiseries et qu’une feuille d’oseille mâchée calme la soif.
N’en déduisez pas que Hubert et moi partagions une enfance commune : nous ne nous connaissions pas mais nos mamans ont grandi dans le même village. Il s’appelle Lochwiller. Il ne fait plus partie de l’Ackerland, il n’est plus dans le Kochersberg. Il est à la frise de ces régions, proche de Marmoutier, sur un espace nommé Heckeland, le pays des haies.
J’ignorais leur enfance et adolescence communes lorsque je suis allée vers Hubert pour lui proposer de présenter avec moi à partir de 1995 l’émission Sür un siess. Notre complicité si forte qui permit lors des 13 ans de cette série de rencontrer autant l’approbation du public, vient aussi de là : d’être nés de valeurs simples, fortes, inculquées et transmises par des gens d’une terre identique.
Nous avons vécu le rituel de la purée aux herbes du Jeudi saint, ‘s Nienkrittermües, pour laquelle nos mères réunissaient, poireau, épinard et ce que la nature donne de sauvage vers Pâques : achillée, jeunes orties, pissenlit, oseille, aegopode et lierre terrestre. Hubert puise d’ailleurs sa force dans son osmose avec la nature. Il agit d’instinct en homme de la terre avec ce bon sens paysan qui le rend si attachant. Son bonheur est de magnifier ce que la nature lui a offert et, en chef inventif, il est toujours prompt à créer de nouveaux mariages de saveurs.
(Lors d’une cueillette, ici dans le vignoble de Rosheim. Photo Aude Boissaye)
Ce livre est né à une époque très chlorophylle et nature, marquée par l’envie de se soigner par les plantes et de revenir vers des valeurs ancestrales. Les simples et la phytothérapie sont plus prisés que jamais. Les herboristes s’accordent à reconnaître cet étonnant regain d’intérêt pour les plantes. Pourtant, nous n’avons nullement voulu obéir à un phénomène de mode en réalisant ce livre.
Ce désir de nature est inscrit au plus profond de nous. Dès 1985, Hubert ajoutait sur les assiettes de l’alliaire et du lierre terrestre, réalisait des pesto à l’ail des ours, cueillait le carvi sur les hautes chaumes et séchait le serpolet des Vosges. Et la carte de son «Hostellerie du Rosenmeer» à Rosheim affichait déjà la salade de mâche des vignes aux truffes, la marinade tiède de langoustines aux poireaux des vignes, l’omble chevalier des Vosges du Nord à la purée d’orties ou la tartelette de rhubarbe au miel de pissenlit.
Ce livre, fruit de connaissances acquises durant plusieurs décennies, nous aura portés pendant plus d’un an, remplissant nos saisons, nos jours et une partie de nos nuits, car une fois enclenché, le phénomène de créativité nous a emporté pour une aventure exaltante. Il nous semblait que toute notre vie était arc boutée par les plantes sauvages. Nous avons tant testé et goûté ! Et je repense à la photographe Aude Boissaye qui nous accompagnait lors d’une cueillette et qui nous regardait, ébahie, goûter, (« brouter » disait-elle) les plantes tout commentant les saveurs détectées.
Par mon attachement à la langue maternelle, j’ai souhaité montrer son étonnante richesse à désigner les plantes. Comment ne pas être bouleversé par une langue qui parle de Hìmmelschlìssle (« les clefs du ciel ») pour la primevère officinale, Kückücksblüem («fleur du coucou ») pour la cardamine des prés, Sackelekrüt (« herbe à petits sacs ») pour la bourse à pasteur, Kühglocke (« clarines ») pour la grande consoude, Zahnbüerschtel (« brosse à dent ») pour la renouée bistorte, Herrgottsschiejele (« petite chaussure à Bon Dieu ») pour le lotier corniculé, Baredoobe (« patte d’ours ») pour la berce, Àbnahmkrüt (« herbe qui fait maigrir ») pour l’épiaire des bois ou Wàldmeischter (« Maître de la forêt ») pour l’aspérule odorante ? L’ajout des dénominations allemandes et latines permet autant de voyages au fabuleux pays des mots.
Ces recherches sur les mots alsaciens m’emmenèrent vers des quêtes passionnantes qui me faisaient plonger loin vers les racines de notre langue alsacienne. Elles me confortèrent dans cette conviction que je fais mienne depuis toujours : notre langue mériterait toutes les attentions et toutes les protections. Elle est la musique de notre culture. Cette extraordinaire richesse de mots (et le monde de la botanique n’en est qu’un petit fragment) devrait nous faire prendre conscience que cette langue médiévale uniquement transmise oralement devrait être aimée à sa juste valeur, c’est-à-dire immensément.
Vous êtes nombreux à nous demander depuis la suppression en 2008 de l’émission Sür un siess sur France 3 Alsace « quand nous reviendrons enfin ». En fait, bien que n’apparaissant plus depuis 2008 sur le petit écran le samedi soir, nous n’avons pas eu l’impression d’être partis car, nous restons autant complices et autant présents dans la vie. Nous avançons avec le même enthousiasme et menons des projets porteurs. Et vous nous témoignez au quotidien une affection que nous récoltons comme un cadeau précieux. Quand nous reviendrons ? Nous voici, sans artifices, le cœur et les papilles en émoi, avec ce livre en partage.
Nous aimerions qu’il vous transmette notre passion des cueillettes et des saveurs infinies qui en naissent.
Courez vers les prés et les sous-bois !
Ce qui vous y attend ressemble à s’y méprendre au bonheur.
Quelques recettes parmi 600…
- Pesto d’orties
- Financier à la fleur de sureau
- Potée aux neuf herbes
- Pigeonneaux farcis de pâquerettes
- Chips d’ail des ours
- Miel de pissenlit
- Sirop de bouillon blanc
- Foie gras avec son infusion de racines de primevères
- Taboulé à la fleur de sureau
- Strudel de légumes aux graines de coquelicots
- Purée de pommes de terre et de feuilles de violettes
- Salade de fraises et myosotis des bois
- Crème brûlée à la reine des prés
- Chou farci au colza
- Lasagnes au lamier
- Salade de fraises et de myosotis
- Sel de coquelicot
La cuisine naturelle des plantes d’Alsace, par Simone Morgenthaler et Hubert Maetz, La Nuée Bleue
parution : printemps 2011
640 pages
Livre cartonné
Tout en couleur
30,00 €
ISBN: 978-2-7165-0777-6