Je me souviens de la grande radio en bois, posée sur le buffet de cuisine. Nous n’avions pas la télévision. J’ai grandi dans l’univers de la radio. Mes parents l’écoutaient pour les informations et surtout pour le bulletin météo, très important dans le monde rural. Ils l’écoutaient tous les jours à midi sur la radio allemande de Stuttgart qu’ils l’appelaient « de Stuttgarter ». Cette météo était bien plus fiable pour l’Alsace, disaient-ils que celle donnée par la radio française.
La radio bouleversa ma vie lorsque ma sœur acheta un transistor avec l’argent reçu pour sa communion. Il était rouge et blanc, de la marque Philips, et il m’apportait les ondes longues alors que la radio en bois de mes parents n’était dotée que des petites ondes et des ondes moyennes. Les ondes longues comportaient toutes les couleurs, tous les sons du monde. Je découvrais la voix de Daniel Filipacchi et de Frank Ténot qui animaient « Salut les copains » chaque soir à partir de 17h et je courais à la sortie du bus pour n’en pas perdre une miette. J’ai aussi grandi, abreuvée par la voix de Hubert Wayaffe et de son émission « Dans le vent », puis plus tard par Michel Lancelot et son émission « Campus ».
Je suis une fascinée des voix radio. Une voix séduit bien plus à la radio qu’à la télévision. A la radio, elle fleurit toute entière. Elle n’a pas besoin de l’artifice de la lumière ni des caméras. Une voix, un micro, quelques disques : la magie peut démarrer. On cristallise sur la voix des visages, des images, des rêves. On projette sur une voix radio sa propre vie.
Je faisais mes devoirs en écoutant la radio, j’imposais la radio aux miens. Le transistor était allumé toute la journée et les longueurs d’ondes me donnaient pêle-mêle la voix du président Rosko, de Maurice Biraud, de Ménie Grégoire, Geneviève Tabouis, Gérard Klein, Francis Blanche, de Jean Yanne et de son acolyte Gérard Sire auquel je décernerais, si l’on me donnait ce pouvoir, la palme de la plus belle voix radio.