Comment « Sür un siess » est né

lors d’une de nos premières émissions en septembre 1995.
Christine Ferber fut notre première invitée.

Lorsque j’ai suggéré le nom de Hubert Maetz en mai 1995 pour un projet d’une nouvelle série qui s’intitulerait Sür un siess, il n’en savait rien : je ne lui en avais jamais parlé.

Je finissais alors le cycle de deux ans d’émissions avec Christophe Meyer avec lequel j’avais vécu l’aventure de la série Zuckersiess. Je m’entendais parfaitement bien avec Christophe et j’aurais pu prolonger cette série qui fonctionnait bien, mais Hubert Schilling, responsable d’antenne de France 3 Alsace (de 1990 à 1998), trouvait de bon augure de changer une série tous les deux ans.

Le producteur-présentateur se doit de montrer qu’il ne manque pas d’idées, qu’il ne végète pas, qu’il est prêt à aller sans cesse de l’avant.

Je pensais à Hubert Maetz, alors que je ne l’avais croisé qu’à deux occasions. Une fois, à Illkirch dans la cour de l’Ecole hôtelière Alexandre Dumas. Il passait avec un groupe de chefs en toques. Je l’entendais rire et parler en alsacien. Je fus séduite en ce quart de seconde par son visage souriant et sa façon de parler très naturelle, avec un accent de la campagne. Je le revis un soir où Franck Sellier, le directeur du CEFFPA m’invita dans le restaurant de Hubert, à l’Hostellerie du Rosenmeer à Rosheim.

Ce soir-là, Hubert déploya des trésors d’inventivité et de raffinement. Il vint nous rejoindre en fin de repas. Nous bavardâmes en français, car je ne voulais pas imposer à Franck, francophone, une conversation dont il pourrait se sentir exclu.

J’ai contacté Hubert un an plus tard pour lui proposer de faire « quelques » émissions avec moi. Des émissions ? Ah, bon… a t’il dit. Cela ne lui faisait apparemment ni chaud ni froid. Il gardait un calme olympien.

Je pourrais vous voir pour que nous en parlions ? lui ai-je demandé.

Demain, à 14 heures ? a t’il suggéré.

Le lendemain il finissait le service. Je l’attendais, installée à la réception de l’Hostelllerie du Rosenmeer. Je vis d’abord arriver une assiette de dessert dont je garde encore les couleurs et l’arôme : une glace vanille, avec des fraises gariguette nappées d’un coulis, accompagnée d’une compotée de rhubarbe, le tout surmonté d’une grande tuile-dentelle croustillante, encore tiède.

L’auteur du dessert suivit quelques minutes plus tard.

Vêtu de sa toque, il me regardait d’un air aimable, tout en me jaugeant comme on le fait à la campagne pour soupeser son interlocuteur, d’un air de dire : que peut-elle bien me vouloir et que valent ses intentions ?

Je lui ai expliqué que je commençais une nouvelle série et que je souhaitais qu’il en soit le chef attitré. Je lui ai dit que la série durerait au moins trois mois mais, qu’en matière de télé on n’est jamais sûr de rien, qu’une émission pouvait brusquement s’arrêter du jour au lendemain.

Pourquoi moi ? a dit Hubert
C’est ainsi, une question d’intuition. Vous n’avez jamais fait de télé, mais il me semble que vous passeriez bien, je suis prête à courir ce risque, et vous, vous seriez prêt ?

Je l’ai mis en garde sur le temps que cela lui prendrait sur des loisirs déjà très rares dans cette profession. Je l’ai prévenu que cela lui prendrait de l’énergie, qu’il lui faudra assimiler beaucoup de notions mais que je sentais que ça se passerait bien avec lui.

Vous avez des nerfs d’acier, ça se sent, la partie est alors presque gagnée.

On ferait ces émissions de septembre jusqu’à Noël ?, demanda t’il.

Peut-être plus longtemps. Il faut se lancer, avancer et espérer le meilleur.

On fera marcher, a dit Hubert.

Il posait son regard dans celui de l’interlocuteur avec une grande franchise et aussi avec une brillance coquine, quelque chose d’un potache faiseur de blagues, d’un Lüesbüe. J’avais la conviction en quittant le Rosenmeer en juin 1995 que je ne faisais pas fausse route.

Freddy Kempf, instituteur à Ohnenheim, répète son chant à la guitare ; je relis mes notes tandis que Hubert se fait équiper en micro et émetteur par l’ingénieur du son Pascal Boeckel
© Photo Laura Martin

Vous trouverez plus d’informations

– sur l’émission « Sür un siess » dans le livre « Ces années-là… Mes souvenirs radio-télé » (La Nuée Bleue)

– sur «l’affaire Sür un siess» dans le livre « Adieu Sür un siess ? » (Le Verger Editeur).

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