Les 40 façons de dire « colchique » en alsacien

Le colchique, qui éclaire  de sa couleur mauve pâle les prés vers la fin août jusqu’en octobre,  fait immuablement penser à l’automne.

Colchiques dans les prés fleurissent, fleurissent.
Colchiques dans les prés, c’est la fin de l’été.

La ritournelle apprise à l’école revient spontanément en nos mémoires lorsqu’apparaît cette plante bulbeuse,  qui ressemble au crocus,  mais qui compte six étamines, alors que le crocus n’en a que trois.

Les étamines du crocus sont aimées car elles donnent le safran.

Les étamines du colchique sont craintes et détestées, et pour cause : le colchique, parfois nommé « safran bâtard »,  est toxique. Son poison est violent. Les centres anti-poison alertent souvent au printemps sur le danger de confusion entre les feuilles d’ail des ours et celles du colchique.

Colchique photographié à Haegen, Bas-Rhin © S. Morgenthaler

Les vaches ne s’y trompent pas, qui broutent autour des colchiques, sans jamais l’effleurer du mufle.

En français, pour rappeler cette toxicité,  on l’appelle aussi  « tue-loup » ou « tue-chien ».

La langue de Molière est d’ailleurs dépourvue pour désigner cette fleur alors que la langue alsacienne, pourtant malmenée, souvent piétinée et humiliée  depuis la fin de la dernière guerre mondiale, possède 40 façons de la désigner.

Comptez les étamines, il y a en bien six. Ne pas les toucher.  Le colchique entier -fleur et feuilles- est toxique © S. Morgenthaler

L’enseignant et auteur Alain Kauss a réuni ces quarante termes dans un passionnant livre paru dans les années 90, Bliemle, Fleurs en Alsace (BF Editions).

Vous trouverez ces désignations ci-après, avec ma traduction qui est approximative.

Il importe de retenir qu’une partie des désignations ne sont ni poétiques, ni bienveillantes. Elles rappellent que cette fleur est dangereuse et famélique.

La croyance populaire la cantonne aussi dans des termes qui font allusion -de façon péjorative- au sexe féminin ou aux testicules des animaux.

Les 40 façons de dire colchique en alsacien

Michelsblüem (fleur de Michel, car elle fleurit vers la Saint Michel située le 29 septembre)

Òhmedblüem (fleur du regain) 

Spòtjohrbliemel (petite fleur de l’automne)

Hersbschtblüem (fleur d’automne) 

Kàtzedìttle : mamelles de chat

Schüelbluem ou Schüelerbliemel (fleur d’école)

Riffeblüem (fleur du givre)

Herbschtglock (cloche d’automne)

Herbschtlilie (lys d’automne)

Kälteblüem (fleur de la froidure)

Winterblüem (fleur de l’hiver)

Zitlos (intemporelle)

Matteziwel (oignon de prairie)

Bleuiziwel (oignon bleu)

Knowliblüem (fleur d’ail)

Màtteklipfel (maillet de la prairie)

Màttelilie (lys de la prairie)

Giftblüem (fleur de poison)

Giftdùtte (sachets de poison)

Hiehnerverreck (crevaison de poules)

Tòdebliemel (petite fleur de la mort)

Küehdùtte (mamelons de vache)

Küehbùbbe (larve de vache)

Küehdàtse (patte de vache)

Küehütter (pis de vache)

Mùmmelschalle (testicules de taureau) 

Bockseckel (sexe de bouc)

Schellstüde (plante à bourse)

Küehlis (poux de vache)

Lisblüem (fleur de  poux)

Lisbittel (bourse à poux)

Lüsbliemel (petite fleur de pou)

Lüsmaie (mât à pou)

Ochsekalwle (petits veaux à boeuf)

Nàckärschele (petit cul nu)

Nàcketi Füte (vagin nu)

Nàcketi Hüer (putain nue)

Nàcketi Jùnfer (vierge nue)

Liewerherrgottsfiessle (petits pieds du Bon Dieu)

Storchebròt (pain de cigogne)

Fülefüete 

Ce dernier terme, Fülefüete, est souvent usité car, avec sa répétition du « ü »,  il sonne dans la bouche des grands et des petits, de façon ludique. Mais ce terme est cru et sans poésie, et ceux qui l’utilisent l’ignorent généralement. Il est difficile de le traduire et il n’y a aucune certitude dans mon interprétation: fül signifie pourri et renvoie donc vers la toxicité du colchique. Füete peut-être rapproché de Fùtz ou Fütze qui désigne (de manière crue et péjorative) le sexe féminin. Fülefüete pourrait se traduire par « vagin pourri ».

La linguiste Danielle Crevenat-Werner précise, sans certitude également, que le mot füete pourrait aussi  être rapproché de füti, qui signifie foutu, adjectif français dont il est la déformation et qui est couramment utilisé en alsacien (quelques mots français ont ainsi été alsacianisés durant la période fin 18e et début 19e où l’Alsace fut française, avant l’annexion prussienne de 1871). Fülefüete pourrait en ce cas se traduire par « pourri-foutu ».

Pauvre colchique qui doit faire front à tant de désamour alors qu’il apporte une image de douceur.

Belle fin d’été  et bel automne !

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