Et si les chefs rendaient leurs étoiles au Michelin ?

L’Auberge de l’Ill à Illhaeusern a été dessaisie d’un des trois macarons par décision du Guide Michelin.

Ce guide imagine t’il le fracas qu’il peut apporter dans une famille et une équipe ?

Une équipe de 45 personnes sur la même longueur d’onde. Tout ce qui ont travaillé à l’Auberge et essaimé en France et dans le monde sont unanimes : l’atmosphère ici est respectueuse et aimable, dans l’esprit de ce que Marie, Paul et Jean-Pierre Haeberlin, ont insufflé depuis les années 50, suivis par Danielle et Marc. Aujourd’hui comme hier, l’Auberge de l’Ill reste dans l’excellence.

La famille Haeberlin a été victime de cette injustice, alors qu’elle brille au firmament de l’Alsace et du monde depuis près de 70 ans. Les Haeberlin n’ont pas attendu l’année 1967 (lorsque leur fut accordée la 3e étoile) pour être dans l’excellence. Ils le sont depuis 1950, depuis que Paul et son frère Jean-Pierre ont créé cette merveilleuse maison.

Quelques grands chefs ont eu envie de vivre hors de cette « épée de Damoclès des étoiles » et de revenir vers une liberté.

Joël Robuchon (restaurant Joël Robuchon – Paris) fut le premier en 1996 à rendre ses trois étoiles. « Je courais sans cesse après la perfection, je ne manquais jamais un coup de feu, je guettais les critiques gastronomiques… Une grosse langoustine ultra-fraîche achetée à prix d’or mais qui révélait une chair un peu trop cotonneuse à la cuisson, ça pouvait me miner pendant plusieurs jours. Il fallait que j’arrête cette vie harassante, j’avais peur de finir comme les copains du métier Alain Chapel, Jean Troisgros, Jacques Pic, morts prématurément à force d’avoir trop tiré sur la corde » précisait-il à l’Express en 2009.

En 2005, après 28 ans de règne trois étoiles, Alain Senderens, chef du Lucas Carton à Paris, renonçait officiellement à ses trois étoiles.

La même année, Philippe Gaertner, chef de cuisine du restaurant Aux Armes de France à Ammerschwihr (68) refusa la distinction du guide Michelin qu’il jugeait trop coûteuse à entretenir, reconnaissant 5 ans plus tard dans le Journal de Julien de Binz que s’il l’avait gardée, il ne serait plus là. Le chef haut-rhinois n’avait nul envie de mener une fronde contre le guide Michelin mais il souhaitait s’adapter à la conjoncture, de proposer un meilleur rapport qualité-prix et de vivre une nouvelle aventure.

En 2006Antoine Westermann (Buerehiesel – Strasbourg), lâcha ses trois étoiles « afin de ne pas mettre de pression à son fils cuisinier Eric et pour « sortir enfin du côté » figé des tables étoilées.
En 2008Olivier Roellinger (Maison de Bricourt – Cancale) rendit ses 3 étoiles
En 2009Marc Veyrat qui tenait alors l’Auberge de l’Eridan à Annecy) rendit ses 3 étoiles et annonça sa volonté de cesser son activité à l’Auberge de l’Eridan à Annecy pour des raisons de santé. Le Guide rouge lui a retiré en ce mois de janvier 2019, le 3e macaron qu’il lui avait décerné il y a tout juste un an pour La Maison des Bois à Manigod, en Haute-Savoie

La liste n’est pas exhaustive.

En 2017, c’est le chef Sébastien Bras (restaurant Bras à Laguiole) qui annonça qu’il ne souhaitait plus figurer dans le guide Michelin et par conséquent ne plus être honoré par la distinction d’étoiles, précisant que rendre les étoiles, c’était le prix de sa liberté , ajoutant que comme tout le monde, restaurateurs et guides, il avait été très marqué par le suicide du trois étoilés Bernard Loiseau en 2003.

Accéder à l’étoile est le rêve de tout chef. Une fois cette étoile, ou la 2e, voire la 3e acquise, on n’imagine pas sous quelle pression sont les chefs. Ils vivent dans la crainte de perdre ce macaron.

Imagine t’on la secousse que provoque dans une vie la perte d’une étoile ? Je me souviens du choc que vécut l’Alsace lorsque qu’une des trois étoiles fut retirée à Monique et Emile Jung en 2002 au restaurant Crocodile à Strasbourg. Ce couple avait oeuvré toute sa vie au service de l’excellence et se retrouvait à l’approche de la retraite à devoir endurer cet affront.

Face à l’injustice de cette décision, on répéta à l’envi que le guide Michelin avait besoin de porter des coups forts pour faire parler de lui.

Ce guide a t’il besoin, pour redorer ses ventes, de faire quelques coups d’éclats ?

On apprenait en novembre 2018 que l’édition 2018 du Guide Michelin 2018 avait rétrogradé Jean-Georges Vongerichten, le chef new-yorkais d’origine alsacienne, de trois étoiles à deux étoiles, pour son établissement Jean-Georges, situé dans la Trump Tower à Central Park à New York.

Imagine t’on combien ce type de décision injuste peut affecter les proches et l’équipe ? Je me souviens de l’empressement de la presse à relayer cette information alors que cette même presse a souvent passé sous silence les victoires décrochées, pourtant nombreuses. Jean-Georges Vongerichten est sans doute l’Alsacien qui a le mieux réussi au niveau mondial : à la tête de 35 restaurants de pointe répartis dans le monde entier, employant 4500 personnes, cet homme discret, fils d’un vendeur de fuel et de charbon d’Illkirch, a tout créé à la force de son talent et de son poignet. Quelques mois avant d’être rétrogradé par le Guide Michelin, il obtenait avec le Restaurant Jean-Georges à New York la 3e place parmi les 1000 meilleurs restaurants du monde. Invraisemblable !

L’Auberge de l’Ill est touchée à son tour , après cinquante-et-un ans de 3 étoiles. 51 ans ! Imagine t’on les efforts, les énergies déployées ? Marc est resté dans la voix sacrée de son père Paul (auprès duquel il revint en 1974), s’imprégnant avec docilité et admiration de son enseignement. Avec doigté et inventivité, il prit à son tour la direction de la cuisine, relevant haut la main le défi périlleux de la maintenir à son haut niveau.

Je pense à Danielle , la soeur de Marc, qui dirige les lieux et dispense sa gentillesse et son sourire empli d’une telle humanité. Je pense à la jeune génération qui est là, qui oeuvre pour l’excellence de la maison : Laetitia -la fille de Marc-, et Salomé et Edouard, -les enfants de Danielle et Marco Baumann-. Et je n’ai qu’une envie : leur dire que cette décision n’entame en rien ma confiance en cette belle maison. Bien au contraire : je suis totalement choquée que le Guide Michelin se soit permis un tel faux pas. Qui est-il pour se permettre des décisions aussi déplacées à l’encontre d’un homme, le meilleur d’entre nous, qui a tant prouvé et qui n’a pas besoin d’être traité comme un élève qui pourrait mieux faire.

A l’annonce de la perte de la 3e étoile, Marc Haeberlin s’est exprimé ainsi : C’est dur pour les équipes, c’est dur pour tout le monde, les clients, la famille, c’est très dur. Il a fallu remonter le moral de l’équipe. Certains étaient effondrés.

Et si les chefs rendaient leurs étoiles ? Leurs maisons continuerait à tourner aussi bien.

Le guide Michelin se trouverait bien marri et ne saurait que faire de ce retour d’étoiles.

Et surtout : le Guide Michelin est totalement dépendant des chefs sans lesquels il n’existerait pas. Jouer à mettre sur la sellette des êtres qui chaque jour donnent le meilleur d’eux, qui doivent chaque jour insuffler de l’énergie à une brigade, y croire, faire du beau et du bon chaque jour que Dieu fait, en sachant qu’il suffit de si peu pour qu’un client, pour mille raisons, ne trouve pas dans son assiette la magie qu’il imaginait, faire joujou avec des sentences qui ébranlent des êtres respectueux qui se décarcassent pour rester les meilleurs, cela me révolte au plus profond de moi.

Je connais la Famille Haeberlin de longue date. La bonté, l’humilité et la bienveillance de Marie et de Paul se retrouvent en Danielle et Marc. Il suffit de regarder ce petit film de 4 minutes fait à l’occasion des 50 ans de leurs trois étoiles pour comprendre que ce frère et sa soeur sont bouleversants d’humanité et qu’ils n’ont pas de leçon à recevoir.

Au vu du nombre de grands chefs qui ont rendu leurs étoiles, le Guide Michelin devrait réfléchir avant que ses décisions sécantes, injustes et malvenues ne fassent un effet boomerang.

L’Auberge occupe 45 personnes et reçoit chaque jour 220 convives. C’est là, sur ses rives sereines, que l’Alsace et le monde continueront à sentir battre le cœur de l’excellence, d’une esthétique sans faille et d’une magie sans cesse renouvelée. Foin des diktat d’un guide en mal de publicité !

Et comme viennent de me l’écrire sur ma page Facebook :

– Antoine Jung, le boulanger alsacien de Bavière :

Les étoiles régneront toujours sur l’Auberge de l’Ill , mais pas sur Michelin

– Isabelle Capy : Les étoiles sont les références d’un guide. L’Auberge de l’Ill a les références de coeur et d’amour de toute sa clientèle.

D’autres commentaires de ce type se suivent par dizaines sur ma page Facebook, comme autant de déclarations d’amour, de confiance et de fidélité à l’Auberge de l’Ill et à la Famille Haeberlin.

Lisez les centaines de déclarations d’amour qui vous sont faites sur votre Page Facebook.

Aujourd’hui, plus qu’hier, ceux qui vous aiment continueront à vous aimer.

Kopf hoch,

liewi Fameli Haeberlin :

mir pfiffe uf de Starne

un sin so stolz dass es Eich gibt !

 

 

 

 

 

 

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