Noix, Nùss

Vous souvenez-vous des impressions d’enfance ? Elles nous habitent. Voici celles que m’a inspirées la noix.

La nature est une vaste scène de théâtre où tu observes l’enchaînement des actes. Le noyer offre les rebondissements les plus inattendues. Il fait naître sur ses branches, avant les feuilles, de petites queues emplies de pollen. Ce sont ses fleurs en forme de chatons. Qui se douterait que d’elles naîtront des noix ? Dans deux mois, elles seront d’abord coques vertes dont Maman en ramassera vingt-quatre le jour de la Saint Jean, pour en faire une liqueur proche du porto, nommée Nussewin. Elle coupera le fruit vert en quatre. Il est rempli d’une eau claire qui vite noircira ses doigts.

Noix verte de juin © S.Morgenthaler

La noix, encore verte, génère déjà le brou.

En septembre, les coques éclateront et feront tomber les noix. Encore humides, étalées sur des clayettes, elles sècheront sous le frêle soleil avant d’être réunies dans des sacs accrochés en hauteur pour en interdire l’accès aux souris.

Les noix seront écalées en hiver, lorsque le vent malmènera le pas de porte, pour être mêlées, hachées ou moulues, à la pâte des petits gâteaux de Noël. Tu te dis que c’est grand contentement de voir tes parents ouvrir des noix le soir dans la cuisine chaude. Ils parlent peu car l’écalage de noix apaise tant la tête qu’il permet aux pensées de vaquer sans qu’il soit besoin de parler.

Tu penses aux feuilles tombées du noyer qui végètent sous le froid de l’hiver, lentes à se décomposer et soulevant une odeur médicinale. Le vent sans doute gémira sous le pas de porte.

Extrait de mon livre
« Les saisons de mon enfance »
La Nuée Bleue
(2010)

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