Le rouge et le vert

Octobre est un marchand de couleurs : il peint en jaune, en rouge et en brun les feuillages.

Mon regard a surpris ce mariage de rouge et de vert.

Les feuilles semblent soeurs et pourtant elles sont à des années lumière l’une de l’autre.

La rouge représente la vigne vierge (en alsacien « Wìldrab », « Wildrebe en allemand). La feuille verte, encore remplie de chlorophylle en octobre est celle de la ronce, appelée aussi ronce de bois ou ronce des haies. C’est elle qui donne les mûres et qui égratigne les bras de ses épines lorsqu’on veut cueillir ses baies qui donnent d’excellentes confitures et gelées.

Muriel Fischer m’a écrit : « c’est un peu comme la lave d’un volcan qui finit en cendres mais tellement intense » ❣️❣️❣️

Feuilles de vigne vierge (en rouge) et de ronces (en vert)

La mûre se dit « Brombeer » en alsacien.

Je me souviens que ma mère désignait les ronces, qui poussent sauvagement et sont souvent envahissantes, par le mot « Pfrahmhecke ».

Patricia Ancel m’a envoyé ce joli texte :

De la vigne vierge, bien rouge et brillante au soleil d’octobre, s’est enroulée autour des branches des grands sapins et épicéas qui longent la ferme de mon fils à Duntzenheim. Les guirlandes de Noël bien naturelles de ces arbres, c’est une féérie de Dame nature…. Quelle belle région que notre Alsace ! Et tous ces anciens fruitiers rougeoyant, orangés, qui bordent encore pour un temps les toutes petites routes du Kochersberg… je ne m’en lasse pas, et parfois, la brume matinale d’octobre laisse traverser un rayon de soleil qui illumine instantanément les couleurs de ces vieux poiriers et pommiers, leurs dernières feuilles qui rougeoient, le chant du cygne avant l’hiver…..Dieu que j’aime ma région ♥️

Le mot « mûre me fait penser à ce poème de Victor Hugo, il y apparait un fois (dans la ligne colorisée de violet) :

« Vieille chanson du jeune temps » (Les contemplations)

Je ne songeais pas à Rose ;

Rose au bois vint avec moi ;

Nous parlions de quelque chose,

Mais je ne sais plus de quoi.

J’étais froid comme les marbres ;

Je marchais à pas distraits ;

Je parlais des fleurs, des arbres

Son œil semblait dire: « Après ? »

La rosée offrait ses perles,

Le taillis ses parasols ;

J’allais ; j’écoutais les merles,

Et Rose les rossignols.

Moi, seize ans, et l’air morose ;

Elle, vingt ; ses yeux brillaient.

Les rossignols chantaient Rose

Et les merles me sifflaient.

Rose, droite sur ses hanches,

Leva son beau bras tremblant

Pour prendre une mûre aux branches

Je ne vis pas son bras blanc.

Une eau courait, fraîche et creuse,

Sur les mousses de velours ;

Et la nature amoureuse

Dormait dans les grands bois sourds.

Rose défit sa chaussure,

Et mit, d’un air ingénu,

Son petit pied dans l’eau pure

Je ne vis pas son pied nu.

Je ne savais que lui dire ;

Je la suivais dans le bois,

La voyant parfois sourire

Et soupirer quelquefois.

Je ne vis qu’elle était belle

Qu’en sortant des grands bois sourds.

« Soit ; n’y pensons plus ! » dit-elle.

Depuis, j’y pense toujours. 

Victor Hugo – Les Contemplations

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