Et si les avancées corses faisaient revoir à Marianne sa copie ?

Ich hab e Trœm.

Je me suis mise à rêver. C’était en 2018.

Le résultat des élections en Corse, cette collectivité territoriale à statut particulier, où les autonomistes et les indépendantistes l’ont emporté haut la main, où Gilles Simeoni, devenu président du Conseil exécutif de Corse, et Jean-Guy Talamoni, président de l’Assemblée de l’île, expriment  l’urgence évidente à accorder aux cultures et aux identités régionales, infléchira peut-être l’esprit centralisateur qui régit la France.

Elle donnera peut-être envie à la République de lâcher du lest, pour permettre aux identités régionales d’exister pleinement, sans les étaux surannés définis par elle.

Pour l’Alsace, une telle évolution représenterait une force nouvelle, un ballon d’oxygène, une aptitude à sortir des frustrations et un élan pour aller de l’avant.

Il me prend à rêver que le Président de la République saura comprendre ce vent nouveau, qu’il saura saisir l’opportunité qui lui est donné de montrer son aptitude à l’anticipation afin d’être à la proue et non à la poupe des élans des citoyens.

Un peuple veut défendre ses racines et sa culture qui constituent son plus beau trésor. N’est ce pas une envie légitime ? N’est ce pas l’évidence qu’il ne faudrait pas freiner un peuple d’être ce qu’il a envie d’être ?

Car enfin, une culture ne se créé pas en quelques décennies. Le peuple d’Alsace vient de loin. Il fut bien plus longtemps baigné par l’esprit alémanique que par l’esprit français. Il serait grand temps de lui permettre d’aimer son bilinguisme, de rattraper le mal généré depuis 1945 à raboter nos racines alémaniques et à vouloir les couler dans un sillon gaulois qui nous est étranger.

Permettre à un être d’aimer ses racines sans culpabilité, c’est ce que la République devrait encourager, du moins permettre, afin de ne pas fomenter les frustrations qui, à force d’être avalées, finiront par agir comme une cocotte minute. Il m’est avis que l’on ne strangule pas impunément les envies d’un peuple, si docile soit-il.

Le passé nous rattrape, tôt ou tard, il nous rappelle les douleurs ravalées, les colères ingérées et il nous met face à notre conscience.

Il me prend à rêver que nos dirigeants écouteront les psychogénéalogistes qui enseignent que la mort ne règle en rien les problèmes. Les douleurs vécues par nos générations et celles qui nous ont précédés seront irrémédiablement transmises aux générations suivantes qui, à leur tour porteront des poids inutiles dont elles ignorent souvent l’origine.

L’Alsace, terre baignée d’humanisme rhénan, tournée vers l’Allemagne et la Suisse, rêve d’une transfrontalité qui serait issue de sa réflexion et de son envie. Il faudrait que la République comprenne qu’aimer ses racines, même si elles sont alémaniques, ne représente pas un danger pour elle.

Pour l’Alsace, c’est d’autant plus une évidence qu’elle voit, à portée de mains et de regard, l’exemple fédéral de l’Allemagne, de la Suisse, de l’Autriche, autant de pays avec lesquels elle se sent des affinités sans pour autant renier la France à laquelle elle est fière d’appartenir.

On encourage un enfant à être autonome, on salue sa capacité à disposer de lui même, à savoir voler de ses propres ailes. Les freins de la République à disposer de nos désirs semblent aujourd’hui désuets et contre-productifs. A l’issue de la Révolution, les Jacobins ont certes emporté la victoire sur les Girondins. Pour les régions cela a représenté un lent étouffement des élans. Plus de deux siècles plus tard, il faudrait en tirer les conclusions.

La Constitution pourrait aisément adoucir ce qui fait aujourd’hui crisser ses rouages.

Là ou il y a une volonté il y a une victoire.

Si la Constitution n’est plus en adéquation avec la réalité et qu’elle feint d’ignorer l’extinction d’un peuple, de sa langue, de sa culture, quelle solution adopter ?

Qu’elle efface ce peuple ?

Ou qu’elle se mette au diapason pour ne plus être l’artisane de ce gâchis ?

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