Août et le parfum des premières pommes

Pommier « Rambourg d’hiver » © Simone Morgenthaler

Août porte le parfum des premières pommes, celles dites hâtives, qui sont à point à l’époque des moissons.

J’aime ce rendez-vous avec le pommier : la joie d’être sur une échelle, de voir de haut la vie s’égrener à travers les feuilles, de renverser la tête et de regarder les pommes se découper sur le bleu du ciel, de sentir l’odeur du regain ramassé il y a peu et deviner que d’ici quelques jours les colchiques surgiront sur la prairie…

Si ce n’est le bonheur, ça lui ressemble.

Ces pommes, délicieuses en compotes et tartes, ne se conservent pas longtemps, car elles sont non traitées. Introuvables dans le commerce, elles font partie d’une variété très ancienne, une parmi les 250 répertoriées en Alsace. Les pommes anciennes ont des noms surprenants, qui leur vont à merveille : Arbeereäpfel, pommes-fraises, Schofnase, mufle de mouton, Kitteäpfel, pommes-coings, Schmalzäpfel, pommes saindoux.

Il existe réellement 250 variétés différentes de pommes anciennes réunies dans les vergers conservatoires alsaciens. Avec, pour certaines, des noms en français bien plus beaux que ceux des pommes proposées sur l’étal. Elles s’appellent par exemple Citron d’hiver, Belle fille rose, Calville Blanche, Claque Pépin, Jolibois, Moisson Lente, Motte d’Allemagne etc.

Je cueille les pommes et, en les tenant dans ma main avant de les poser dans le panier, je ne peux m’empêcher de me dire que chacune d’entre elles est vivante. Si l’une s’échappe de ma main et tombe au sol, je sais que dès demain elle affichera un hématome.

Me revient alors à la chanson, « la pomme et l’escargot », apprise dans l’enfance :

Il y avait une pomme
A la cime d’un pommier;
Un grand coup de vent d’automne
La fit tomber sur le pré !

Pomme, pomme,
T’es-tu fait mal ?
J’ai le menton en marmelade
Le nez fendu
Et l’oeil poché !

Elle roula, quel dommage,
Sur un petit escargot
Qui s’en allait au village
Sa demeure sur le dos.

Je repense aussi à la phrase que, petite, j’entendais dire par mon père :
Es ìsch noch jeder Àpfel vom Baum gfàlle, wenn sini Zit dò ìsch.

Ce qui veut dire : « Quand son heure est venue, rien n’empêchera une pomme de tomber de son arbre ».

print