Envoûtante mandarine

Elle ressemble à la clémentine mais elle est bien plus bouleversante, plus intense en goût que la clémentine.

Mandarine, ton parfum bouleversant © S. Morgenthaler

Elle a certes des pépins, et c’est son désavantage. La clémentine, née d’un croisement entre un mandarinier avec une orange douce, n’en a pas, et c’est pour cette raison que, depuis son invention dans les années 20, elle a fini par supplanter la mandarine. Mais la mandarine a ce « je ne sais quoi » de renversant.

J’aimerais définir avec justesse ce que je ressens lorsque je respire la mandarine. Je crains déjà de manquer de mots pour dire le trouble qui me prend et qui me renvoie vers l’enfance. Les oranges et les mandarines n’étaient dégustées que pour Noël. Les clémentines n’existaient pas en ce temps-là, du moins pas dans la petite épicerie de Monsieur Schott, rue de l’église à Saverne où nous nous rendions à vélo depuis le village de Haegen pour remplir les sacoches.

La peau de la mandarine contient un supplément de parfums que n’a pas la clémentine. C’est comme si une main de fée avait logé en elle une huile essentielle d’un agrume inconnu. Il suffit de soulever un peu la peau de la mandarine, de respirer et déjà pour moi le temps s’arrête.

Une seule mandarine et l’enfance revient © S.Morgenthaler


Je vois alors le potager d’enfance sous le froid, les choux de Bruxelles qui ressemblent à des gnomes engourdis, tandis qu’au chaud dans la cuisine l’eau chuinte dans la réserve de la cuisinière (im Schiff) et que les peaux de mandarine chauffent et se dessèchent sur la plaque chaude qui parfois les fait trop brunir et diffuse alors une odeur torréfiée un peu âpre.

Yannick Chaffoin, lorsqu’il vendait encore des fruits et légumes avec Jacques Walter, notamment au marché Broglie de Strasbourg, m’avait donné ce conseil : Ne jetez pas la peau, prélevez le zeste, j’en ai parfumé hier une ganache au chocolat.

Il est vrai que ce zeste est précieux. Il relève ce qu’il touche : un cake, des oeufs en neige, une crème anglaise, une mousse au chocolat.

J’ai testé plus simple encore : j’ai versé un litre d’eau frémissante sur le zeste de la mandarine et j’ai laissé infuser : je détenais une boisson qui -chaude ou froide- porte les parfums du jardin de l’Alhambra.

Peut-être aussi du jardin d’Eden ?
Celui-ci je ne l’ai jamais visité. Je ne désespère pas d’y parvenir un jour.

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